Fanny : « Avec le pacing, je peux à nouveau agir. »

Femme pétillante de 52 ans, Fanny a vécu un grand bouleversement dans sa vie. « J’ai eu l’impression qu’à 45 ans, je suis passée direct à 90 ! ». Médecin généraliste, elle s’est retrouvée dans la position inconfortable de soignant soigné. C’est seulement lorsqu’elle a obtenu un diagnostic d’encéphalomyélite myalgique (EM) qu’elle a commencé à pratiquer le pacing avec le guide de l’ASFC. C’était il y a deux ans. C’est sa principale canne pour avancer et garder espoir. Aujourd’hui, elle va mieux et profite de sa nouvelle vie avec le pacing. Enfin.

À quel moment avez-vous accepté l’idée d’avoir une maladie chronique ?

Dès le début, je me suis rendue compte qu’il y avait un problème et qu’il allait durer. Au début, je pensais que c’était une fibromyalgie, focalisée sur les douleurs, qui étaient très intenses. J’ai donc accepté assez rapidement l’idée d’avoir une maladie chronique.

Je me suis battue pendant des années. Je ne pense pas que j’étais dans le déni, je voulais tester au plus vite toutes les techniques possibles pour avoir un quotidien plus supportable. Et ce que tous les spécialistes me répétaient pour la fibromyalgie, c’était de faire de l’activité physique en augmentant progressivement les efforts. C’est donc ce que j’ai tenté de faire les premières années.

J’étais en fait en état de malaise continu, mais je ne connaissais pas le malaise post-effort. Je pensais que c’était le prix à payer pour aller mieux. J’ai même fait une cure thermale, pendant laquelle mon état s’est aggravé, je souffrais énormément, au milieu de personnes bien plus âgées et pourtant bien plus en forme que moi, car souffrant de maladies différentes. C’était très dur.

J’ai obtenu un diagnostic d’EM après un troisième covid, il y a deux ans. À ce moment-là, les malaises s’étaient amplifiés, notamment la tachycardie. Et j’ai découvert un médecin interniste qui, en quelques minutes, a décrit mon quotidien. Enfin, j’avais trouvé un médecin qui me comprenait ! Il m’a demandé de stopper les activités physiques systématiques et m’a recommandé le pacing, avec des activités adaptées à mon état du moment. Ça m’a semblé logique en fait, et ça été un véritable soulagement de ne plus m’obliger à me forcer à bouger au-delà de mes limites, et tout ça sans culpabiliser…

Comment expliquez-vous le pacing à une personne qui ne le connaît pas ?

C’est une façon de vivre avec la maladie, en profitant de certaines activités et plaisirs, sans y laisser toute son énergie. Le cœur du pacing, c’est l’alternance de moment de repos et d’activités. Avec le pacing, je peux gérer ma vie à ma façon, selon mes choix. C’est moi qui décide de ce qui est bon pour moi ou pas, à chaque moment, ce qui me permet de trouver mon nouvel équilibre

Ça à l’air simple lorsqu’on l’explique ou lorsqu’on consulte le guide de l’ASFC. Quand j’en parle autour de moi, on me dit : « Encore un mot compliqué pour expliquer quelque chose de banal ». Sauf que quand on a l’habitude d’être actif, c’est très difficile de changer de rythme.

Même moi, au démarrage, j’ai eu l’impression d’être une pro du pacing ! Après deux ans de pratique, je suis nettement plus humble. C’est un travail de longue haleine.

Cet ensemble de techniques couvre énormément d’aspects. Les personnes qui ne le pratiquent pas ont du mal à comprendre les efforts que cela demande. La comparaison avec l’entraînement des sportifs de haut niveau est intéressante, je crois que c’est d’ailleurs de là que vient le mot « pacing ». Il s’agit de revoir entièrement son hygiène de vie afin d’atteindre son objectif.

On ne change pas tout d’un coup, c’est par étapes. La première étant d’accepter de diminuer ses efforts et ses activités, et de faire en sorte que ses activités durent moins longtemps. Après avoir perdu son travail, ce n’est pas facile… J’ai besoin de me faire accompagner par une psychologue pour accepter ces bouleversements. Elle m’aide à accepter et à profiter de ma nouvelle vie, en appliquant mon pacing avec dignité, et sans culpabilité.

Le pacing reste pour moi ma ligne de conduite principale, avant tout le reste : méditation, psychothérapie… J’ai enfin retrouvé l’espoir de pouvoir à nouveau refaire plus de choses, et des choses qui me plaisent.

Comment l’appliquez-vous concrètement ?

J’ai codifié mes activités en trois couleurs : rouge, orange et vert, selon que je fais mes activités debout, assise ou couchée. L’idée est assez simple : j’alterne vert, orange, rouge toute la journée. Les jours où je ne respecte pas cette alternance, je suis moins bien. Et j’ai plusieurs périodes de repos plus prolongé chaque jour (20-30 minutes), dans le calme.

Le guide m’a aidé à avancer, ainsi que les ateliers proposés par l’ASFC. Par exemple, depuis la dernière réunion, j’ai mis en place l’application Daylio*, qui me donne une visibilité de mon état sur plusieurs mois. Très pratique pour faire le point quand je reverrai mon spécialiste !

J’ai également passé le pas d’utiliser du matériel d’aide à la marche. Oui, je suis encore capable de marcher, mais pas plus d’un quart d’heure. Ça limite grandement les sorties. J’ai une petite canne pliante, une autre canne-siège utile lorsque je prends le train, et depuis peu, un fauteuil roulant. Qui me permet des sorties qui étaient impossibles avant.

Comment avez-vous réussi à évaluer votre fatigabilité ?

Cette découverte est assez récente. C’est au cours d’un atelier pacing que j’en ai vraiment pris conscience. Il est important de repérer ses signes précurseurs. Chez moi, cela prend la forme de picotements. Dès que je les sens, en réunion de famille par exemple, je me mets immédiatement au repos, à l’écart de préférence, le temps de recharger les batteries.

C’est aussi depuis que j’ai une meilleure connaissance de l’EM que j’arrive à anticiper les malaises post-effort : je sais mieux m’organiser en amont, et je prévois plus de repos après une activité plus fatigante.

Quelles sont vos réussites ?

Je peux aujourd’hui aller voir ma famille ou mes amis. Avec le fauteuil roulant, je peux refaire les magasins avec ma fille. Je ne suis plus confinée chez moi, seule. Retrouver une vie sociale, c’est vraiment essentiel pour moi.

Sur le plan intellectuel, je suis restée très longtemps dans le brouillard, je le suis beaucoup moins maintenant. Dernièrement, j’ai réussi à faire un album photo en ligne, c’était sympa à faire et je suis très contente du résultat !

Qu’est-ce que le pacing vous apporte ?

Mes symptômes ont diminué ! J’ai vraiment vu arriver des périodes où j’avais beaucoup moins de douleurs, de fatigue, de vertiges etc. Pour la première fois, les symptômes devenaient supportables. C’est la première étape pour pouvoir à nouveau profiter de la vie.

Dans un second temps, j’ai pu constater que ma qualité de vie s’améliorait, ça fait du bien au moral !

Avant, lorsque les activités indispensables étaient réalisées (hygiène et repas essentiellement), mes journées étaient finies… Aujourd’hui, je peux à nouveau pratiquer des activités plaisir et loisir : cuisiner certains jours, participer à une sortie en bateau en famille. C’est encourageant ! Cette année, je vais continuer à m’occuper de moi en pratiquant le pacing au quotidien, et je vais aller de petits plaisirs en petits plaisirs.

*Un article présentera prochainement cette application et comment on peut l’utiliser pour faire du pacing.

Comment j’ai appris à m’arrêter avant d’être épuisé, témoignage de Jean-Didier

Vous vivez au quotidien avec un épuisement chronique, votre médecin vous a peut-être parlé de seuil de fatigabilité à ne pas dépasser. Hum. Il est bien gentil le docteur, mais là il ne m’aide pas beaucoup en me disant ça… Comment je fais concrètement pour m’arrêter avant d’être complètement HS ? Vous avez de la chance, Jean-Didier a trouvé comment faire et nous livre son truc. Jean-Didier est un malade en rémission, nous aurons l’occasion de partager avec vous son témoignage complet.

Quand je sentais la fatigue me tomber dessus avec les douleurs, il était déjà trop tard et cela n’avait pas forcément de rapport avec ce que j’avais fait dans la journée, mais plutôt avec ce que j’avais fait 24 ou 48 heures avant.

Les malades n’en ont pas toujours conscience, le MALAISE POST-EFFORT arrive souvent en décalé. Comment avez-vous réussi à évaluer votre fatigabilité pour lever le pied avant que l’épuisement ne s’installe ?

Le corps est bien fait et nous envoie des signaux. On n’a pas toujours envie ou on ne sait pas toujours les décrypter. On a chacun des signaux particuliers, c’est cela que le malade doit arriver à identifier. Bref, il s’agit d’apprendre à se connaître.

J’ai commencé à comprendre ce mécanisme lorsque j’ai commencé à aller un peu mieux, lorsque j’ai été à nouveau capable d’aller dans le jardin ou de bricoler. J’y allais après ma sieste, après un café, tranquillement, vers 15 heures. C’était le moment de la journée où j’étais le plus en forme. Je savais que je pouvais m’activer environ un quart d’heure.

J’ai un parterre de gravier sous un arbre, j’arrachais les mauvaises herbes petit carré par petit carré, petit à petit, ça avançait et j’étais fier de moi, d’avoir un parterre joli.

Ensuite, je rentrais à la maison, je me faisais une boisson chaude, je m’asseyais dans le canapé, sans télévision ni aucun autre stimulus. Vraiment assis tranquille. Après avoir bu, je regardais ce que mon corps me disait. Cette introspection, je la faisais en me levant doucement.

Si je sentais des fourmillements au niveau des mains ou autour de la bouche, c’était le signe que j’en avais fait suffisamment et qu’il fallait que je me repose, que c’était tout pour aujourd’hui. Si je n’en avais pas, je pouvais recommencer une nouvelle session pendant 10 min. Tout était calibré, minuté. Cela peut paraître curieux, frustrant, dérangeant de regarder la pendule. Mais c’est de cette façon que j’ai réussi à aller mieux.

La découverte de ce signal m’a permis de ne pas aller trop loin, de ne pas dépasser mon fameux seuil de fatigabilité. Pour certains se sera une migraine, pour d’autres une gêne au niveau des yeux… à chacun d’identifier ce que son corps lui dit. C’est comme ça que j’ai pu avancer.

Il s’agit d’accepter son état de santé et de passer outre la frustration de s’arrêter avant d’avoir terminé une tâche commencée. Combien de temps cette phase a-t-elle duré ?

C’est difficile à dire, il y a eu des hauts et des bas. J’ai tenu le chrono sur plusieurs mois, en grappillant régulièrement 5 ou 10 min sur une activité. Ce qui m’a permis d’atteindre une heure puis deux heures d’activité.

À quel moment augmentiez-vous la durée de vos activités ?

Si cela faisait plusieurs jours que je n’avais plus de fourmillement au moment du sondage de mon corps, c’est que je pouvais rajouter 5 ou 10 min à mon activité.

Je souhaite souligner l’importance de savoir détecter les petits signes qui nous permettent de rester dans notre enveloppe énergétique. C’est ce qui permet aux malades d’agir à nouveau dans un premier temps et dans un second temps, d’améliorer de manière significative leur santé. Ce n’est pas agir qui fait du bien, mais agir en restant dans notre zone de confort. La différence est subtile, mais c’est ce qui fait la différence.

Il s’agit de fractionner l’activité en petites unités et de sonder ensuite son corps, après une vraie pause, pour savoir s’il est possible de repartir ou non. C’est en agissant, en étant attentif, en vous trompant également, que vous arriverez à repérer vos signes. Cette prise de conscience fait partie du processus de guérison, c’est une véritable épreuve d’humilité. Non, je ne suis pas qu’un pur esprit tout puissant. Oui, j’ai un corps et je respecte ses limites.

Je considère aujourd’hui que j’en suis sortie grandie, témoignage de Tania

Aller mieux lorsque l’on est atteint d’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique, est-ce possible ? Les témoignages que l’on trouve sur internet sont généralement anxiogènes. Comment se fait-il que certains malades s’en sortent ? Nous avons souhaité prendre des nouvelles de Tania, une malade guérie, qui avait témoigné il y a trois ans sur la chaîne YouTube de l’association.

Pour résumer brièvement la vidéo enregistrée, vous êtes tombée malade en 2013, vous aviez 30 ans. Vous viviez en Australie et c’est là-bas que l’on vous a diagnostiqué un ME/CFS (acronyme anglais d’EM/SFC). Vos symptômes vous empêchaient de travailler. Au début vous assuriez vos tâches ménagères, mais lorsque votre état a empiré, que même prendre une douche était devenue une mission, vous avez décidé de retourner vivre chez vos parents en France. C’était début 2014. Deux médecins spécialistes ont confirmé le diagnostic. En France, vous avez suivi à distance le programme proposé par l’association de patient australienne : Emerge Australia. Vous avez ainsi mis en place le pacing. Cela consiste à définir vos priorités, même si ce n’était pas facile avec le peu d’énergie que vous aviez, à réduire vos activités et à anticiper vos besoins de repos. Vous avez pu ainsi conserver un minimum d’activité physique en les fractionnant, vous vous êtes même mise à tenir un journal, vous qui y étiez réfractaire à la base !

Au cours de ces huit semaines, vous avez vécu une progression encourageante et vous avez vécu également quelques malaises post-efforts. Ils étaient surtout liés au stress émotionnel ou à des environnements bruyants. Pour vous, récupérer votre forme physique a été plus simple, car plus facile à chiffrer et à respecter. Vous terminez la vidéo sur une très belle note d’espoir : vous vous considérez comme guérie.

Aujourd’hui, pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

J’ai été bien diminuée par la maladie pendant trois ans. La remontée a été lente et progressive. J’ai commencé par modifier mon alimentation et j’ai changé d’attitude envers moi-même. J’ai appris à me respecter, à expliquer mes limites aux autres. Je ne pourrais pas dire exactement à quel moment je me suis considérée guérie, c’est arrivé progressivement.

J’ai mis en place une routine quotidienne et hebdomadaire, de manière à éviter la charge mentale de me demander tous les jours ce que j’allais faire. Et également pour identifier les moments propices pour pratiquer certaines activités. J’étais plus diminuée sur les plans cognitif et émotionnel que physique, par exemple je limitais mes temps d’écran à 10 minutes deux fois dans la journée.

J’ai cherché à me nourrir pendant ces années de témoignages positifs, que je trouvais dans toutes les langues que je connaissais. Je suis allée bien plus loin que ce que proposait le programme. J’ai intégré à mon quotidien des pratiques de Yoga et de Qi gong pour me faire du bien, pour apprendre à me détendre, à étirer mon corps en douceur et me relaxer.

Je me suis intéressée également à la pleine conscience, que j’ai pratiquée intensément, que ce soit allongée, en marchant ou assise. Cela consiste à porter intentionnellement son attention à tout ce qui est présent et de manière non jugeante. Ces pratiques m’ont permis de diminuer les douleurs et m’ont apporté un grand soulagement.

Quotidiennement, je me posais des questions toutes simples : Qu’est-ce qui va bien ? Comment puis-je faire en sorte qu’aujourd’hui soit une bonne journée ? J’ai toujours su que j’allais m’en sortir, malgré mes multiples rechutes et doutes. C’est ce qui m’a porté. J’ai également suivi mon intuition, appris à revenir au contact de ce qu’il y a au fond de moi. J’ai aussi appris l’humilité : me contenter du peu que je peux faire pour être enfin en paix.

Aujourd’hui, quelle est votre vie ? Vous êtes retournée vivre en Australie ?

Non, aujourd’hui je vis vers Perpignan, en bord de mer pour en profiter toute l’année. Je suis maman d’une petite fille de 3 ans. Depuis deux ans, je travaille à mon compte : formatrice en anglais dans le cadre de la formation professionnelle continue. Je me considère comme une coach pour les personnes qui s’imaginent que l’anglais ce n’est pas pour eux ou qui souhaitent progresser avec une formation très pratique. Je travaille à 80% pour consacrer mes mercredis à ma fille. Au début j’enseignais en présentiel, depuis le confinement, j’ai basculé mon activité sur un enseignement à distance.

J’organise mon emploi du temps pour me dégager du temps pour tout ce qui me tient à cœur : marcher, pédaler, nager, méditer, passer du temps avec ma fille. Je veille à me nourrir de ce qui me fait du bien. Mes activités santé sont devenues aujourd’hui mes activités plaisirs ! Je considère que je suis ressortie grandie de cette épreuve. Cette expérience a teinté ma vie au quotidien.

Genèse du guide pacing, Véronique témoigne

Pourquoi avoir l’idée de créer un guide pacing ? Comment ce guide a-t-il été conçu ? Faire du pacing est quelque chose qui va à l’encontre de beaucoup de croyance sur la santé. On en parle de plus en plus et c’est une bonne chose. Certains malades pensent en faire, d’autres pensent que ce n’est pas pour eux. Véronique, malade expert qui a participé à la conception de ce guide, va tout nous expliquer.

Comme dans d’autres maladies rares ou orphelines, certains malades atteints d’encéphalomyélite myalgique ou du syndrome de fatigue chronique font beaucoup de recherches, nationales et internationales, lisent les publications, échangent sur les forums. Ils deviennent experts de leur maladie, comme l’est devenu Véronique, 47 ans, mère de deux enfants.

Pourquoi êtes-vous convaincu des bienfaits du pacing ?

J’ai vécu très longtemps en me forçant pour aller au travail. Je suis tombée malade en 2003 ou 2006, je ne sais plus. J’ai eu une bonne bronchite et je n’ai jamais vraiment récupéré par la suite. Pour les médecins, c’était psychologique, j’ai fait des années de thérapies ! Et on m’a fait prendre des antidépresseurs qui m’ont aggravée. Il y a 4 ans, j’ai compris que j’avais quelque chose de différent, que ce que j’avais ce n’était pas de la fatigue mais des malaises post-efforts.

Je me suis formée en me documentant, avec un groupe d’entraide de malades sur Facebook. J’ai également beaucoup lu sur le sujet en français et en anglais. Je suis quelqu’un de carré, je voulais trouver le moyen d’aller mieux. Chaque fois que quelqu’un présentait un truc qui l’aidait, je notais et j’essayais. C’est en testant que je me suis rendu compte que ce qui m’aidait vraiment, c’était tout ce qui était en lien avec la gestion de l’énergie, soit le pacing.

Comment s’est mis en place le groupe de travail ?

Sur Facebook, j’avais déjà collecté et essayé pas mal de choses. On a tous mis nos idées sur un document partagé. On devait être une quinzaine. C’était fin 2018. Je ne pourrais pas dire qui a fait quoi, c’était une réflexion collective.

C’est au cours de ces échanges, que les outils du pacing sont ressortis. Ils permettent la stabilisation de l’état de santé voire une rémission. L’idée est alors venue d’élaborer un guide d’initiation qui serait mis à disposition de tous les malades.

Comment avez-vous trouvé le guide pacing ainsi réalisé ?

Les personnes qui ont finalisées le travail à partir de toutes nos idées ont fait un remarquable travail de synthèse. Car des idées, on en avait vraiment beaucoup ! C’est vraiment un très bel outil pour démarrer le pacing. Mais ce n’est qu’un début. Car autant il est facile de comprendre les notions qui sont présentées, autant il est difficile de les mettre soi-même en place. Il y a des moments, où faire du pacing ne fonctionnera pas. Il ne faut pas vouloir trop mettre de choses en place ! Se lancer dans le pacing, c’est un long processus.

Y’a-t-il une page du guide que vous aimeriez commenter ?

La page 20 me parle bien (en illustration de l’article). Le fractionnement, c’est la base du pacing. On peut avoir l’impression qu’en fractionnant on en fait moins, alors que c’est l’inverse ! Quand on pratique une activité énergivore, si elle nous fait dépasser nos limites énergétiques, derrière on ne pourra plus rien faire. Alors que cette même activité, si on la fractionne, si on en détermine à l’avance la durée maximale, elle ne nous fatiguera pas et on pourra recommencer le lendemain. Fractionner fait gagner du temps !

Alterner, c’est une notion que j’ai eu du mal à comprendre au début. C’est un peu le principe d’un entrainement sportif : on fait travailler les jambes, puis les bras… le tout pendant une durée déterminée. Je ne pense pas qu’il vous viendrait l’idée de faire le même exercice pendant une heure d’affilé ! Il est donc important, lorsqu’on pratique le pacing, d’alterner les activités. Une activité physique, puis une activité cognitive. L’idée est bien de varier les plaisirs tout au long de la journée, en se ménageant des temps de repos suffisants.

Différer, ça aussi c’est important. Il s’agit d’être maître de son planning, pour anticiper, ne pas trop en faire comme ne pas avoir deux activités énergivores dans une même journée. Un soin santé non prévu (et prioritaire) se rajoute au dernier moment ? Il sera peut-être nécessaire d’annuler le soin prévu de longue date du lendemain. On peut dégrader sa santé à vouloir essayer trop de choses à la fois, je parle en connaissance de cause !

Comment vivez-vous avec la maladie aujourd’hui ?

J’ai vécu des hauts et des bas. Lorsque je suis allée mieux, mon médecin m’a remis au travail et ça a aggravé ma santé. J’ai aussi attrapé la Covid… Ma vie aujourd’hui est différente de celle que je pouvais mener avant. Sur le papier elle était parfaite : un super métier, deux enfants… mais j’en faisais beaucoup trop, je n’avais pas une minute à moi.

Aujourd’hui j’y vais tout doux et je suis bien plus heureuse qu’avant ! Je pratique des activités qui me plaisent, contente d’avoir du temps pour moi, pour réfléchir. J’ai appris à vivre avec un monde intérieur riche. C’est clair et net pour moi, je ne retournerais pas à mon ancien travail. Aujourd’hui les médecins sont avec moi et me soutiennent. Un jour peut-être je retravaillerais, j’envisagerais cette possibilité lorsque j’aurais suffisamment récupéré.

La maladie est la meilleure chose qui me soit arrivée, témoignage de Jérôme

Joueur de tennis, meilleur classement 15, Jérôme est malade depuis plus de 10 ans. Il a arrêté de jouer en 2019. Il sait depuis quelques mois ce qui ne tourne pas rond chez lui : il a été diagnostiqué syndrome de fatigue chronique (EM/SFC). Marié, père de deux filles, il nous raconte sa découverte du guide pacing.

« Lorsque j’ai parcouru le guide pacing, je me suis rendu compte que j’avais déjà tout mis en place. C’est beaucoup de bon sens en fait : si je suis fatigué, je me repose. Je sais me poser les bonnes questions : Comment je vais en ce moment ? Qu’est-ce que je suis capable de faire aujourd’hui ? Mes amis le savent et l’acceptent très bien, je suis capable d’annuler au dernier moment. Ma santé prime sur mes engagements. J’ai trouvé l’activité qui me fait le plus de bien, qui me ressource : c’est écouter de la musique. Lire aussi me fait du bien.

Après il y a quelques notions du guide qui me manquait, comme par exemple le fait de s’arrêter avant de ne plus avoir de jus. Ou que la fatigue n’est pas que physique, elle peut être aussi mentale ou émotionnelle. Pour moi le pacing, c’est comprendre que mon corps ne récupère pas et d’apprendre à être à son écoute.

Après avoir à trois reprises tenté un retour au travail qui s’est soldé à chaque fois par une rechute, je me surprends aujourd’hui en disant : la maladie est la meilleure chose qui me soit arrivée. J’ai désormais compris que lorsque j’irai à nouveau mieux, je ne replongerais pas dans le travail tout de suite.

Je vais avoir besoin de plusieurs années sabbatiques pour mener à bien des projets personnels. J’en ai envie. Avant d’être malade, je travaillais 16h par jour, parfois le week-end, toujours en déplacement loin de ma femme et de mes filles. En fait j’allais y laisser soit ma santé, soit mon couple. Depuis 10 ans, je suis présent. Pour mes filles, je les ai vu grandir, même si je n’étais pas toujours en forme. Pour ma femme, cette épreuve nous a permis de resserrer nos liens. J’ai envie aujourd’hui de créer des meubles, de bricoler et de me retaper en prenant soin de moi. J’aime dire qu’il est possible d’être heureux et malade. »

Le plus important est d’apprendre à s’écouter en tant que malade, témoignage de Lavinia

Témoignage de Lavinia, 27 ans, malade à l’âge de 11 ans,
diagnostiquée encéphalomyélite myalgique à l’âge de 19 ans.

Extrait du webinaire organisé le 12 septembre 2020.

J’ai eu un parcours où j’ai eu tous les symptômes classiques de l’encéphalomyélite myalgique, avec la difficulté d’être diagnostiquée. Mon état de santé a été cyclique, avec des périodes où j’allais mieux et des périodes où j’étais aggravée, avec à chaque fois, des symptômes nouveaux qui apparaissaient. C’est à partir de l’âge de 20-21 ans, période où j’étais vraiment alitée, que j’ai commencé à pratiquer une forme de pacing. A partir de ce moment-là, mon état a commencé à s’améliorer.
Je pense que le plus important a été d’apprendre à m’écouter en tant que malade. Que ce soit au niveau de l’alimentation, des exercices ou des stimuli extérieurs, j’ai appris à vraiment respecter mon corps et ce dont il a besoin.
Le fait qu’il y ait beaucoup de choses à prendre en compte est difficile. Mais c’est aussi beaucoup de possibilités pour améliorer certains symptômes qui sont peut-être liés à des comorbidités*. Il est important d’aborder la maladie avec cette croyance que c’est vraiment possible d’améliorer sa qualité en mettant des choses en place petit à petit. Et que, même si l’adolescent passe par des phases sévères, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas remonter.
Je souhaite donner espoir aux adolescents et à leurs parents. Il est tout à fait possible d’emprunter un chemin de guérison, certes qui prend du temps, qui demande énormément de patience, mais qui permet de vraiment améliorer sa qualité de vie et pas juste qu’un tout petit peu.

*notion qui a été longuement développée au cours du webinaire. Il est important que le malade vérifie régulièrement avec son médecin qu’il n’a pas d’autres maladies associées à sa pathologie principale. Ces autres maladies sont souvent traitables et les soigner améliore grandement l’état de santé général du malade.