Fanny : « Avec le pacing, je peux à nouveau agir. »

Femme pétillante de 52 ans, Fanny a vécu un grand bouleversement dans sa vie. « J’ai eu l’impression qu’à 45 ans, je suis passée direct à 90 ! ». Médecin généraliste, elle s’est retrouvée dans la position inconfortable de soignant soigné. C’est seulement lorsqu’elle a obtenu un diagnostic d’encéphalomyélite myalgique (EM) qu’elle a commencé à pratiquer le pacing avec le guide de l’ASFC. C’était il y a deux ans. C’est sa principale canne pour avancer et garder espoir. Aujourd’hui, elle va mieux et profite de sa nouvelle vie avec le pacing. Enfin.

À quel moment avez-vous accepté l’idée d’avoir une maladie chronique ?

Dès le début, je me suis rendue compte qu’il y avait un problème et qu’il allait durer. Au début, je pensais que c’était une fibromyalgie, focalisée sur les douleurs, qui étaient très intenses. J’ai donc accepté assez rapidement l’idée d’avoir une maladie chronique.

Je me suis battue pendant des années. Je ne pense pas que j’étais dans le déni, je voulais tester au plus vite toutes les techniques possibles pour avoir un quotidien plus supportable. Et ce que tous les spécialistes me répétaient pour la fibromyalgie, c’était de faire de l’activité physique en augmentant progressivement les efforts. C’est donc ce que j’ai tenté de faire les premières années.

J’étais en fait en état de malaise continu, mais je ne connaissais pas le malaise post-effort. Je pensais que c’était le prix à payer pour aller mieux. J’ai même fait une cure thermale, pendant laquelle mon état s’est aggravé, je souffrais énormément, au milieu de personnes bien plus âgées et pourtant bien plus en forme que moi, car souffrant de maladies différentes. C’était très dur.

J’ai obtenu un diagnostic d’EM après un troisième covid, il y a deux ans. À ce moment-là, les malaises s’étaient amplifiés, notamment la tachycardie. Et j’ai découvert un médecin interniste qui, en quelques minutes, a décrit mon quotidien. Enfin, j’avais trouvé un médecin qui me comprenait ! Il m’a demandé de stopper les activités physiques systématiques et m’a recommandé le pacing, avec des activités adaptées à mon état du moment. Ça m’a semblé logique en fait, et ça été un véritable soulagement de ne plus m’obliger à me forcer à bouger au-delà de mes limites, et tout ça sans culpabiliser…

Comment expliquez-vous le pacing à une personne qui ne le connaît pas ?

C’est une façon de vivre avec la maladie, en profitant de certaines activités et plaisirs, sans y laisser toute son énergie. Le cœur du pacing, c’est l’alternance de moment de repos et d’activités. Avec le pacing, je peux gérer ma vie à ma façon, selon mes choix. C’est moi qui décide de ce qui est bon pour moi ou pas, à chaque moment, ce qui me permet de trouver mon nouvel équilibre

Ça à l’air simple lorsqu’on l’explique ou lorsqu’on consulte le guide de l’ASFC. Quand j’en parle autour de moi, on me dit : « Encore un mot compliqué pour expliquer quelque chose de banal ». Sauf que quand on a l’habitude d’être actif, c’est très difficile de changer de rythme.

Même moi, au démarrage, j’ai eu l’impression d’être une pro du pacing ! Après deux ans de pratique, je suis nettement plus humble. C’est un travail de longue haleine.

Cet ensemble de techniques couvre énormément d’aspects. Les personnes qui ne le pratiquent pas ont du mal à comprendre les efforts que cela demande. La comparaison avec l’entraînement des sportifs de haut niveau est intéressante, je crois que c’est d’ailleurs de là que vient le mot « pacing ». Il s’agit de revoir entièrement son hygiène de vie afin d’atteindre son objectif.

On ne change pas tout d’un coup, c’est par étapes. La première étant d’accepter de diminuer ses efforts et ses activités, et de faire en sorte que ses activités durent moins longtemps. Après avoir perdu son travail, ce n’est pas facile… J’ai besoin de me faire accompagner par une psychologue pour accepter ces bouleversements. Elle m’aide à accepter et à profiter de ma nouvelle vie, en appliquant mon pacing avec dignité, et sans culpabilité.

Le pacing reste pour moi ma ligne de conduite principale, avant tout le reste : méditation, psychothérapie… J’ai enfin retrouvé l’espoir de pouvoir à nouveau refaire plus de choses, et des choses qui me plaisent.

Comment l’appliquez-vous concrètement ?

J’ai codifié mes activités en trois couleurs : rouge, orange et vert, selon que je fais mes activités debout, assise ou couchée. L’idée est assez simple : j’alterne vert, orange, rouge toute la journée. Les jours où je ne respecte pas cette alternance, je suis moins bien. Et j’ai plusieurs périodes de repos plus prolongé chaque jour (20-30 minutes), dans le calme.

Le guide m’a aidé à avancer, ainsi que les ateliers proposés par l’ASFC. Par exemple, depuis la dernière réunion, j’ai mis en place l’application Daylio*, qui me donne une visibilité de mon état sur plusieurs mois. Très pratique pour faire le point quand je reverrai mon spécialiste !

J’ai également passé le pas d’utiliser du matériel d’aide à la marche. Oui, je suis encore capable de marcher, mais pas plus d’un quart d’heure. Ça limite grandement les sorties. J’ai une petite canne pliante, une autre canne-siège utile lorsque je prends le train, et depuis peu, un fauteuil roulant. Qui me permet des sorties qui étaient impossibles avant.

Comment avez-vous réussi à évaluer votre fatigabilité ?

Cette découverte est assez récente. C’est au cours d’un atelier pacing que j’en ai vraiment pris conscience. Il est important de repérer ses signes précurseurs. Chez moi, cela prend la forme de picotements. Dès que je les sens, en réunion de famille par exemple, je me mets immédiatement au repos, à l’écart de préférence, le temps de recharger les batteries.

C’est aussi depuis que j’ai une meilleure connaissance de l’EM que j’arrive à anticiper les malaises post-effort : je sais mieux m’organiser en amont, et je prévois plus de repos après une activité plus fatigante.

Quelles sont vos réussites ?

Je peux aujourd’hui aller voir ma famille ou mes amis. Avec le fauteuil roulant, je peux refaire les magasins avec ma fille. Je ne suis plus confinée chez moi, seule. Retrouver une vie sociale, c’est vraiment essentiel pour moi.

Sur le plan intellectuel, je suis restée très longtemps dans le brouillard, je le suis beaucoup moins maintenant. Dernièrement, j’ai réussi à faire un album photo en ligne, c’était sympa à faire et je suis très contente du résultat !

Qu’est-ce que le pacing vous apporte ?

Mes symptômes ont diminué ! J’ai vraiment vu arriver des périodes où j’avais beaucoup moins de douleurs, de fatigue, de vertiges etc. Pour la première fois, les symptômes devenaient supportables. C’est la première étape pour pouvoir à nouveau profiter de la vie.

Dans un second temps, j’ai pu constater que ma qualité de vie s’améliorait, ça fait du bien au moral !

Avant, lorsque les activités indispensables étaient réalisées (hygiène et repas essentiellement), mes journées étaient finies… Aujourd’hui, je peux à nouveau pratiquer des activités plaisir et loisir : cuisiner certains jours, participer à une sortie en bateau en famille. C’est encourageant ! Cette année, je vais continuer à m’occuper de moi en pratiquant le pacing au quotidien, et je vais aller de petits plaisirs en petits plaisirs.

*Un article présentera prochainement cette application et comment on peut l’utiliser pour faire du pacing.