Genèse du guide pacing, Véronique témoigne

Pourquoi avoir l’idée de créer un guide pacing ? Comment ce guide a-t-il été conçu ? Faire du pacing est quelque chose qui va à l’encontre de beaucoup de croyance sur la santé. On en parle de plus en plus et c’est une bonne chose. Certains malades pensent en faire, d’autres pensent que ce n’est pas pour eux. Véronique, malade expert qui a participé à la conception de ce guide, va tout nous expliquer.

Comme dans d’autres maladies rares ou orphelines, certains malades atteints d’encéphalomyélite myalgique ou du syndrome de fatigue chronique font beaucoup de recherches, nationales et internationales, lisent les publications, échangent sur les forums. Ils deviennent experts de leur maladie, comme l’est devenu Véronique, 47 ans, mère de deux enfants.

Pourquoi êtes-vous convaincu des bienfaits du pacing ?

J’ai vécu très longtemps en me forçant pour aller au travail. Je suis tombée malade en 2003 ou 2006, je ne sais plus. J’ai eu une bonne bronchite et je n’ai jamais vraiment récupéré par la suite. Pour les médecins, c’était psychologique, j’ai fait des années de thérapies ! Et on m’a fait prendre des antidépresseurs qui m’ont aggravée. Il y a 4 ans, j’ai compris que j’avais quelque chose de différent, que ce que j’avais ce n’était pas de la fatigue mais des malaises post-efforts.

Je me suis formée en me documentant, avec un groupe d’entraide de malades sur Facebook. J’ai également beaucoup lu sur le sujet en français et en anglais. Je suis quelqu’un de carré, je voulais trouver le moyen d’aller mieux. Chaque fois que quelqu’un présentait un truc qui l’aidait, je notais et j’essayais. C’est en testant que je me suis rendu compte que ce qui m’aidait vraiment, c’était tout ce qui était en lien avec la gestion de l’énergie, soit le pacing.

Comment s’est mis en place le groupe de travail ?

Sur Facebook, j’avais déjà collecté et essayé pas mal de choses. On a tous mis nos idées sur un document partagé. On devait être une quinzaine. C’était fin 2018. Je ne pourrais pas dire qui a fait quoi, c’était une réflexion collective.

C’est au cours de ces échanges, que les outils du pacing sont ressortis. Ils permettent la stabilisation de l’état de santé voire une rémission. L’idée est alors venue d’élaborer un guide d’initiation qui serait mis à disposition de tous les malades.

Comment avez-vous trouvé le guide pacing ainsi réalisé ?

Les personnes qui ont finalisées le travail à partir de toutes nos idées ont fait un remarquable travail de synthèse. Car des idées, on en avait vraiment beaucoup ! C’est vraiment un très bel outil pour démarrer le pacing. Mais ce n’est qu’un début. Car autant il est facile de comprendre les notions qui sont présentées, autant il est difficile de les mettre soi-même en place. Il y a des moments, où faire du pacing ne fonctionnera pas. Il ne faut pas vouloir trop mettre de choses en place ! Se lancer dans le pacing, c’est un long processus.

Y’a-t-il une page du guide que vous aimeriez commenter ?

La page 20 me parle bien (en illustration de l’article). Le fractionnement, c’est la base du pacing. On peut avoir l’impression qu’en fractionnant on en fait moins, alors que c’est l’inverse ! Quand on pratique une activité énergivore, si elle nous fait dépasser nos limites énergétiques, derrière on ne pourra plus rien faire. Alors que cette même activité, si on la fractionne, si on en détermine à l’avance la durée maximale, elle ne nous fatiguera pas et on pourra recommencer le lendemain. Fractionner fait gagner du temps !

Alterner, c’est une notion que j’ai eu du mal à comprendre au début. C’est un peu le principe d’un entrainement sportif : on fait travailler les jambes, puis les bras… le tout pendant une durée déterminée. Je ne pense pas qu’il vous viendrait l’idée de faire le même exercice pendant une heure d’affilé ! Il est donc important, lorsqu’on pratique le pacing, d’alterner les activités. Une activité physique, puis une activité cognitive. L’idée est bien de varier les plaisirs tout au long de la journée, en se ménageant des temps de repos suffisants.

Différer, ça aussi c’est important. Il s’agit d’être maître de son planning, pour anticiper, ne pas trop en faire comme ne pas avoir deux activités énergivores dans une même journée. Un soin santé non prévu (et prioritaire) se rajoute au dernier moment ? Il sera peut-être nécessaire d’annuler le soin prévu de longue date du lendemain. On peut dégrader sa santé à vouloir essayer trop de choses à la fois, je parle en connaissance de cause !

Comment vivez-vous avec la maladie aujourd’hui ?

J’ai vécu des hauts et des bas. Lorsque je suis allée mieux, mon médecin m’a remis au travail et ça a aggravé ma santé. J’ai aussi attrapé la Covid… Ma vie aujourd’hui est différente de celle que je pouvais mener avant. Sur le papier elle était parfaite : un super métier, deux enfants… mais j’en faisais beaucoup trop, je n’avais pas une minute à moi.

Aujourd’hui j’y vais tout doux et je suis bien plus heureuse qu’avant ! Je pratique des activités qui me plaisent, contente d’avoir du temps pour moi, pour réfléchir. J’ai appris à vivre avec un monde intérieur riche. C’est clair et net pour moi, je ne retournerais pas à mon ancien travail. Aujourd’hui les médecins sont avec moi et me soutiennent. Un jour peut-être je retravaillerais, j’envisagerais cette possibilité lorsque j’aurais suffisamment récupéré.