Virginie : Je ne m’en serais pas sortie sans le pacing

Virginie était une femme très active jusqu’à ce qu’elle attrape, en 2022, le Covid. Enseignante, après une semaine d’arrêt, elle est retournée au travail alors qu’elle était encore épuisée. À ce moment-là, d’autres symptômes sont apparus : étourdissements, palpitations, nausées, sensation d’ébriété et, surtout, des problèmes de concentration et d’organisation. Au bout de quinze jours, clairement, elle n’y arrivait plus, elle ne tenait plus debout. De nouveau en arrêt, elle dort 18 heures par jour d’un sommeil lourd, comateux. Depuis, elle n’est pas retournée faire classe. Sa chance ? Elle a eu un diagnostic d’Encéphalomyélite Myalgique (EM) post-Covid au bout de 9 mois et a découvert le pacing, qui a changé sa vie.

Comment se sont passés vos premiers mois de maladie avant qu’un diagnostic soit posé ?

J’ai dû faire de multiples investigations pour savoir ce qui m’arrivait. Et aussi pour justifier mes arrêts de travail. Mon médecin traitant n’avait pas encore diagnostiqué de personne atteinte de covid long dans sa patientèle et a d’abord émis les hypothèses d’une sclérose en plaques, puis celle d’un méningiome et, enfin, d’une dépression. J’ai consulté un psychiatre à trois reprises, qui m’a confirmé que ce n’était pas une dépression. Ce médecin a également écarté toute autre maladie d’origine psychiatrique ou tout trouble psychosomatique. Il connaissait l’EM et m’a orientée vers un immunologue compétent.

Par chance, je suis tombée assez rapidement sur les sites des deux associations : l’ASFC et Millions Missing. J’ai pu me reconnaître dans la description de l’EM et autoévaluer mon niveau énergétique grâce à des échelles de sévérité*. J’ai réalisé un bilan auprès d’une orthophoniste spécialisée en neurologie, il en est ressorti que mon raisonnement cognitif était alors réduit à 10%. Sur le plan physique, j’étais encore plus diminuée, je ne pouvais plus sortir de chez moi. Je ne supportais même plus le ronronnement de mes chats. Parler cinq minutes à mon mari était difficile, tenir un crayon compliqué. Le diagnostic a confirmé que j’étais en état très sévère.

Qu’est-ce que le pacing pour vous ?

C’est une méthode de gestion de l’énergie. Il s’agit d’apprendre à se reposer vraiment. On parle de repos total, sans stimulation visuelle ou auditive, complètement allongée sur le dos. Même le coussin, je ne le supportais pas.

Mais le pacing, c’est plus que du repos. J’ai appris à fractionner mes gestes du quotidien. Me lever, c’était déjà très compliqué. Parfois, cela n’était possible qu’à 14h ! Il fallait déjà s’asseoir au bord du lit et se reposer. Ensuite, je me levais pour aller choisir mes vêtements. Je n’arrivais pas à penser à tout ce qu’il me fallait et je m’y prenais à plusieurs reprises. Je faisais bien entendu de multiples pauses. Ensuite, je m’habillais, pas forcément entièrement et je me reposais. Et ensuite seulement, je buvais une tisane.

Au début, c’était de la frustration. J’étais enfermée dans mon corps, dans ma tête et dans ma maison. J’ai réussi à accepter le fractionnement quand je me suis rendu compte que je pouvais vivre quelques minutes sans symptôme. Quel confort cela procure ! J’en étais arrivée à penser que ce ne serait plus jamais possible, qu’il me fallait accepter de vivre en continu avec tous ces symptômes et qu’aucune alternative ne s’offrait à moi.

La qualité de ces quelques minutes de confort de vie, je les ai tellement savourées, cela m’a apporté tant de sérénité et de calme ! C’est de cette façon que j’ai accepté d’en passer par là.

J’ai la chance d’avoir pratiqué pendant quinze ans le yoga et les exercices de pleine conscience (méditation). Au bout de six mois de maladie, après avoir compris ce qu’il m’arrivait, je me suis remise à méditer quelques minutes, au début une fois par jour, puis plusieurs fois.

J’ai très vite utilisé les bouchons d’oreille afin de pouvoir garder avec moi mes chats. Mes chats m’ont apporté beaucoup de soutien en journée, lorsque j’étais seule. Ce sont des maîtres de pacing ! Aujourd’hui, je vais mieux et je ne porte plus de bouchons à la maison.

Pouvez-vous nous donner d’autres exemples d’activités que vous avez réalisées en mode pacing ?

Pour commencer, j’ai utilisé un minuteur pour arriver à m’arrêter. J’ai priorisé mes activités. Au début, je ne me concentrais que sur les activités de survie.

La première et la plus importante : manger. Il était nécessaire que j’arrive à tenir suffisamment longtemps assise pour me nourrir. La digestion était quelque chose qui m’épuisait, du coup, j’ai aussi mangé de manière fractionnée. Je mangeais une portion réduite du plat principal du midi, puis repos. 2h30 après, je mangeais le dessert, repos. Puis une petite collation : boisson chaude, fruits secs et frais, repos. Plat principal le soir, repos. Puis un petit dessert. Je pratique le jeûne intermittent, je ne mange que sur une plage de 8h, tout en veillant à maintenir mes apports caloriques journaliers. Cela convient bien à mon organisme, pour diminuer également l’inflammation.

Grâce à la tenue de mon journal, incluant la composition de mes repas et collations, j’ai vite compris que je devais exclure le gluten, le lactose et le sucre raffiné pour limiter la recrudescence des symptômes. J’évite également les aliments riches en histamine lors de mes poussées inflammatoires.

Autre activité importante à mes yeux : lire. J’essayais de lire un peu, cinq minutes, sans chercher à comprendre, juste pour le plaisir des mots au début.

La dernière activité que j’avais priorisée était la douche. Je la prends le soir, elle utilise mes dernières ressources disponibles et je vais ensuite me coucher.

Mes journées se limitaient à ça au début. Je n’étais même pas capable de m’occuper de mes chats, leur procurer quelques minutes de jeu, par exemple, me provoquait un malaise post-effort. Je ne pouvais que les caresser.

Vous participez depuis quelques mois aux ateliers pacing, quels sont vos SIGNES PRÉCURSEURS ?

Je sais que lorsque j’ai une sensation de lourdeur dans le bras droit, il faut que je m’arrête. Si je ne le fais pas, la douleur se propage et s’intensifie dans tout mon côté droit : œil, oreille, pied…

Lorsque je me mets au repos immédiatement, je gagne du temps. Car si je ne le fais pas, les symptômes et le malaise post-effort vont durer beaucoup plus longtemps et vont m’handicaper. Et psychologiquement, c’est très dur.

Cet état de malaise post-effort peut durer des semaines, cela me met dans un mal-être profond. C’est assez proche de la dépression. C’est quelque chose que je ne veux plus revivre et ça me motive à être désormais à l’écoute de mon corps.

Quelles sont vos réussites ?

Je peux donner de petits rendez-vous WhatsApp à mes copines et aux membres de ma famille. J’ai notamment un rendez-vous hebdomadaire avec une amie qui est en Écosse, ça, j’adore.

J’arrive à lire des romans et à les comprendre. Je prends plaisir à lire, c’est quelque chose pour moi de primordial.

J’arrive à aller me promener, si les températures dépassent 10°C, 45 minutes, tout doux. Je fais du 3 ou 3,5 km/heure sur du plat ! Je prends le temps de regarder les fleurs et les oiseaux. Je profite de mes sorties. Au début, il était plus facile pour moi de faire de la trottinette ou du vélo que de marcher. Bien entendu, le jour où je vais marcher, ce sera ma seule grosse dépense d’énergie. Le ménage reste encore pour moi très compliqué, surtout l’aspirateur.

Je me suis remise à coudre. Je fractionne énormément. Je taille un jour. Le lendemain, je couds. Je ne fais que de petits ouvrages. Quelque chose que j’aurais fait avant en deux demi-journées, ça me prend trois semaines aujourd’hui. Car entre chaque temps d’activité, je me repose. Le tricot, c’est plus facile, cela demande moins de sorties de matériel et prend moins de place. Très répétitif, ça me berce, ça me détend.

Je tiens un journal intime. Je me remémore mes réussites du quotidien : « J’ai réussi à lire 10 minutes sans symptôme. », « Je me suis habillée sans pause. » etc. Lorsque je le relis, je mesure le chemin parcouru. Je consigne également la gratitude : « Merci la vie de m’avoir apporté aujourd’hui tant de bonheur lorsque… » Fixer son attention sur ce qui est, sur ce que l’on a, et non pas sur ce qui n’est plus, ou sur ce qu’on n’a plus, permet d’avancer et de construire un nouveau « moi ».

Qu’est-ce que le pacing vous apporte ?

Le retour à la vie, c’est clair ! J’ai vraiment cru que j’allais mourir. Vivre une EM en état sévère, c’est vraiment terrible, au début j’essayais juste de me maintenir en vie. Je ne m’en serais pas sortie sans le pacing, c’est évident.

J’ai une force intérieure qui m’a permis de dépasser cet état très handicapant. Je suis fière de moi, je souhaite donner espoir aux autres malades. Le pacing, ça marche et c’est gratuit !

J’ai accepté mes limites et l’hibernation ponctuelle qu’elles impliquent, pour mieux renaître. Je me rappelle sans cesse que je ne suis pas la maladie et que ma véritable personnalité n’a pas disparu. J’ai conscience que d’autres personnes souffrent et parfois avec moins de soutien. Oui, j’ai la chance d’être aimée, nourrie, à l’abri dans un pays en paix, instruite et avec un système de santé existant. Il faut arriver à se décentrer pour relativiser, alléger un peu le quotidien et le ressenti de cette situation.

En m’informant sur ce syndrome pour le comprendre et donc agir, et non plus le subir, j’ai fait un premier pas vers le chemin de la libération. C’est bien pour cela que l’accompagnement des associations de patients, les témoignages de patients experts sont indispensables et permettent de prendre en main sa santé de manière efficace et responsable.

*un article présentera prochainement les échelles de sévérité de l’EM.